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mercredi 9 novembre 2011

Roger Casanova dans enquête publique sur le défrichement

Roger Démosthène CASANOVA
Docteur ès-sciences
Professeur d’université (ER)
Maire honoraire

Montée surville
83111 Ampus
Ampus, le 3 novembre 2011

à Monsieur le Commissaire enquêteur
Mairie d’Ampus


Objet : Enquête publique sur le défrichement du bois de Prannes et les permis de construire afférents à la construction d’un parc photovoltaïque.


Monsieur le Commissaire enquêteur,

Vous m’avez reçu en mairie dans le cadre de l’enquête citée en objet et je vous ai remis un mémoire présentant mes motifs justifiant un avis résolument défavorable au projet de parc photovoltaïque dans le bois de Prannes.

Aujourd’hui, après avoir pris connaissance du contenu des dossiers mis à l’enquête publique, il me semble indispensable d’attirer votre attention et celle des lecteurs qui liront mon texte, sur quelques points précis des dossiers qui sont de nature à fausser l’avis du public.

Mes observations portent sur quatre points du dossier de présentation.

1° D’un point de vue formel, les dossiers ne renferment pas le bail emphytéotique concédé par la mairie au promoteur du projet EDF-EN. Il me semble donc que l’information des citoyens n’est pas correctement assurée, en violation des droits figurant dans la Charte de l’environnement et notamment de son article 7.

Ainsi, d’une part, les citoyens d’Ampus et ceux de Draguignan ne sont pas informés des conséquences de ce projet (qui est renouvelable, et qui est prévu pour durer bien au-delà de plusieurs mandats municipaux), dont les conditions de rémunération pour la commune sont par ailleurs sujettes à caution. Je rappelle à ce sujet, qu’à surface égale l’EDF-EN rétribuera deux à trois fois moins la commune d’Ampus que ne sont rémunérées d’autres communes accueillant des projets du même type.

D’autre part, il n’est fait état, nulle part, des modalités de dépôts de garantie financière, et des conditions de mise en œuvre, pour assurer la remise en état du site, dans 22 ans, 32 ans ou 42 ans.

2° D’un point de vue formel, encore. Des informations figurant dans le dossier d’enquête sont erronées et de nature à induire le citoyen en erreur.

C’est ainsi que figure dans le dossier un avis de l’Autorité environnementale (Préfecture de Région), du 26 août 2011, qui stipule en page 5 :
« Le projet s'implante dans un espace naturel boisé. La justification du projet se base sur les besoins énergétiques et notamment énergétiques sur le secteur est PACA et sur l'absence de sites anthropisés à l'échelle intercommunale. »
Le citoyen ne peut qu’être gravement abusé par la double affirmation figurant dans ce document officiel.
D’une part, il n’existe pas de schéma régional pour l’implantation de centrales photovoltaïque, pourtant préconisé par le Grenelle de l’environnement, aussi prétendre que la centrale d’Ampus est destinée à l’alimentation de PACA-est (donc des Alpes maritimes et du département du Var) est tout simplement fallacieux.
D’autre part, prétendre que dans l’intercommunalité de la CAD regroupant 16 communes, il n’y a pas de « sites anthropisés » à l’échelle intercommunale est évidemment faux et mensonger. Les milieux anthropisés sont des milieux transformés par l’homme. Ainsi, d’après le Schéma de cohérence territoriale (SCOT) présenté par la CAD aux populations dans la lettre du SCOT n°3 (page 6, « La consommation de l’espace, une question centrale du SCOT ») les chiffres parlent d’eux-mêmes . 5000 hectares ont été consommés entre 1972 et 2003 et 3000 hectares supplémentaires seront consommés d’ici à 2020. Les zones NB représentent 6000 hectares, il s’agit donc au moins de 14 000 hectares anthropisés (voir la planche page 3) ! L’espace strictement urbain représente 10% du territoire de la CAD). La zone industrielle des Bréguières (aux Arcs sur Argens), située au centre d’une zone de chalandise de plusieurs centaines de milliers d’habitants, représente à elle seule 80 hectares, dont 220 000 mètres carrés de bâtiments. Plusieurs carrières abandonnées existent sur le territoire de la CAD, en particulier à Ampus.
NB Les sites alternatifs de la commune d’Ampus, proposés par les opposants au projet dans le bois de Prannes lors de l’enquête sur la révision du POS, sont évoqués, page 97 (mais ils ne sont pas tous présentés !) avec pour seule justification de leur élimination, une simple communication « politique » dans le bulletin municipal d’information, de 2009 ! Communication sujette à caution, les critères d’élimination présentés par la mairie étant techniquement faux, sinon fallacieux.
Ainsi, le SCOT de l’intercommunalité met bien en évidence l’anthropisation généralisée de la CAD avec la subsistance de quelques îlots verts, dont le bois de Prannes à Ampus (moins de 320 ha), situé en zone de montagne où la protection de la forêt est un objectif majeur.
Les espaces agricoles eux ont déjà régressés et ne représentent plus que 12% du territoire de la CAD (sur 16 communes). Faudrait-il que la forêt subisse le même sort ? L’exemple de la Côte d’Azur entièrement anthropisée ne semble pas suffire à calmer l’appétit des destructeurs d’espaces verts, pourtant absorbeurs de gaz carbonique et producteurs d’oxygène. Il n’est que temps de mettre en accord les attendus du SCOT et les actions dispersées de promoteurs peu scrupuleux.
L’affirmation de « l’absence d’espace anthropisés » est donc un mensonge qui ne peut qu’induire en erreur ceux qui consultent le dossier d’enquête publique. Outre le bâti industriel et commercial abondant, plusieurs carrières abandonnées peuvent accueillir des sites industriels. Même à Ampus, des garrigues dégradées, propriétés communales, pourraient être utilisées.
Les cartes ci-après, tirées du SCOT sont lumineuses à ce sujet.
Rappel du diagnostic et des enjeux du SCOT de la Dracénie. Septembre 2008.

« Le SCOT est destiné à servir de cadre de référence pour les différentes politiques sectorielles centrées notamment sur les questions d’habitat, de déplacements, d’équipements commercial, d’environnement, d’organisation de l’espace… Il assure donc la cohérence entre les documents de politiques sectorielles (PLH, PDU) établis à l’échelle communautaire mais impose aussi la compatibilité aux Plans Locaux d’Urbanisme (PLU) établis par les communes. »

« L’enjeu essentiel doit rester la projection de ce territoire à 10-15 ans. »

« Le SCOT doit être élaboré dans le respect des 3 grands principes inscrits dans le code de l’urbanisme (L.110, L.121-1) :
¨ Le principe d’équilibre entre espaces à développer et espaces à préserver,
¨ Le principe de mixité sociale et urbaine,
¨ Le principe de l’utilisation et de l’économie de l’espace. »

Le SCOT comprend en particulier (article R.122-1) un projet d’Aménagement et de Développement Durable (PADD) et un Document d’orientation générales (DOG).

Il précise en page 15 : « il est impératif de préserver, développer et valoriser le capital d’aménités environnementales dont dispose la Dracénie. »
[les espaces naturels] « …doivent être protégés, accessibles à tous et gratuits. »

C’est bien actuellement le cas du bois de Prannes, seule forêt publique accessible à tous, comme le stipulent explicitement les rapports de l’ONF.

Aussi bien, sur l’équilibre entre espaces à développer et espaces à préserver, que sur les espaces aménités (espaces agréables non quantifiables), le projet présenté est ainsi en contradiction totale avec le SCOT de Dracénie. Rien dans le dossier de présentation ne présente les orientations du schéma de cohérence territoriale de l’intercommunalité.

L’information des citoyens n’est ainsi pas correctement assurée, en violation des droits figurant dans la Charte de l’environnement et notamment de son article 7.


3° Du point de vue de la présentation de l’état naturel du site.

L’étude du bureau HGM-environnement est intéressante. Au sujet des chiroptères (chauves-souris) je relève cependant une conclusion hasardeuse qui ne peut qu’abuser le citoyen non averti des questions biologiques.

Page 68 il est écrit en synthèse :
« … Une seule espèce peut être considérée d’intérêt conservatoire notable : le Petit Rhinolophe. Son statut sur le site n’est toutefois pas très contraignant puisqu’il est seulement observé en transit ou en chasse, en de faibles effectifs. »

Il est évident, même pour un non scientifique, que la suppression du territoire de chasse du Petit Rhinolophe, espèce protégée, entrainera sa disparition par la suppression de la source de son alimentation. Cet aspect, minoré dans le rapport, est de nature a induire en erreur le lecteur du dossier et à faire accroire que la suppression du bois de Prannes est sans conséquences sur les chauves souris protégées, ce qui est faux. La suppression prévue du bois de Prannes est de nature a porter atteinte à l’existence même du Petit Rhinolophe.

Là encore, l’information des citoyens n’est pas correctement assurée, en violation des droits figurant dans la Charte de l’environnement et notamment de son article 7.


4° Du point de vue de la vulnérabilité des eaux souterraines et les risques sanitaires pour les populations en aval du projet.

Cet aspect du dossier d’enquête publique me semble le plus symptomatique d’une volonté manifeste de noyer le lecteur sous une abondance d’informations, au demeurant sérieuses, ce faisant, le dossier occulte me semble-t-il délibérément les aspects négatifs et dangereux du projet.

La CAD ayant subi en 2010 une catastrophe, avec nombreuses morts d’hommes, liée à la non prise en compte des lois de la nature, il me semble indispensable d’être direct . La leçon n’a pas été tirée, la dangerosité du site pour la santé publique et le principe de précaution constitutionnel sont ignorés.

Il est à noter que les risques que fait courir le projet ressortent bien du dossier de présentation lui-même : pages 37, 38 et 44.

Ainsi, en pages 37 et 38 on peut lire :
« Vulnérabilité des eaux souterraines
Aucune cartographie réglementaire sur les zones vulnérables n'est disponible sur ce secteur.
Les sources sont nombreuses. Elles ont des débits non négligeables (environ 5 l/s) et des origines diverses,
Au Nord du projet, certaines sources connues près des sommets (le Palay, Tète de Sérail) alimentent le vallon ou ravin de Rasclepoux situé à proximité de la limite Ouest de la zone d'étude […]
« Le Jurassique constituant une partie du plateau du bois des Prannes représente un important réservoir d'eau souterraine drainé par plusieurs sources, dont la source des Fravères au débit moyen annuel de 170 l/s, située autour de 280 m NGF. Cette source se situe à environ 1900 m de la zone d'étude.

Le projet est situé à l'intérieur du périmètre de protection éloignée de cette source, captée pour l'alimentation en eau potable de la ville de Draguignan. Ce périmètre se situe pour partie sur la commune d'Ampus. L'avis hydrogéologique émis par Christian Mangan, géologue (BPREC - Bureau de Protection des Ressources en Eau des Collectivités, Conseil Général du Var) en septembre 2003 correspond à la pièce la plus avancée de la procédure de protection de ce captage. Ce périmètre n'est donc pas opposable à ce jour*. Il n'y a pas encore de servitude d'utilité publique relative à ces périmètres de protection, au niveau de la commune d'Ampus.

Ce périmètre de protection éloignée correspond à l'impluvium d'alimentation de la source des Frayères. Toute pollution du sous-sol dans ce secteur est susceptible d'atteindre la source, en particulier en période de hautes eaux.

Le plateau calcaire présente une karstification importante qui augmente en direction de la Nartuby (située à environ 2000 m de la zone d'étude). Plusieurs avens et grottes ont été recensés, dont l'aven du Lézard et l'aven Sasia à proximité de la zone d'étude, au Sud de la route D51[…].

Les essais de traçages (Mangan, 2003) ont montré que ces avens sont en relation directe avec la source des Frayères.

Cette karstification contribue à :
· une vulnérabilité importante des aquifères sous-jacents aux pollutions ;
· une vulnérabilité importante de la Nartuby aux pollutions ;
· un ruissellement limité sur le bassin versant.

Un enjeu majeur du projet consiste à préserver :
· la qualité des nappes phréatiques sous-jacentes
· la qualité de la source des Frayères. »

*L’importance en matière de risques, n’est pas l’état d’avancement de la procédure de protection du captage des Frayères, mais est bien la réalité du risque, reconnue par le cabinet d’expertise, donc le promoteur et la mairie .

En cas de pollution et d’intoxication de la population de Draguignan, si ce n’est de mort d’hommes, personne ne pourrait dire « on ne savait pas », puisque on sait et que la mention du risque est très explicite dans le rapport même de présentation.

NB Rapport de présentation qui par ailleurs est tellement conscient du risque de pollution qu’il annonce que des bacs seront disposés sous les engins pour prévenir les risques d’infiltration de produits polluants vers les nappes souterraines.

Le rapport de présentation stipule bien, page 44, que le projet est très exposé au risque de foudre.

NB. L’Europe considère le cadmium et tous ses composés comme cancérigènes toxiques et même les règlements en vigueur en Chine ne permettent de produire du Cd… que pour l'exportation !

En conclusion, le projet vise à installer, avec entêtement et aveuglement, un site industriel d’une trentaine d’hectares, composé de panneaux photovoltaïques, dont l’âme est constituée de produits chimiques toxiques (le tellurure de cadmium : CdTe), dans une zone sensible à la foudre (pouvant entraîner le bris des vitres de protection des panneaux), située au dessus d’une nappe aquifère alimentant Draguignan. Alors que d’autres sites sont possibles. La persévérance des promoteurs de ce projet, dans le bois de Prannes, est irresponsable et coupable.

La concrétisation de ce projet serait tout simplement à potentialité criminelle, pour les promoteurs et ceux qui, en toute connaissance de cause, lui donnent leur aval.

Avec mes sentiments distingués,
Roger Démosthène CASANOVA